L’apéritif croustillant du sud de l’Italie
Dans les ports du Salento, l’heure de l’apéritif se reconnaît au claquement net d’un anneau de pain cassé d’un geste. On l’arrose ensuite d’huile d’olive. La frisella, cette biscotte rustique fièrement apulienne, est le résultat d’une double cuisson : dure comme la pierre à la sortie du four, elle s’attendrit instantanément une fois humidifiée et retrouve, à la maison, la texture ferme qu’on savoure au bord de la mer.
Racines des Pouilles et débats d’authenticité
Pain ou biscotte ? L’évolution des friselle
Née au Moyen Âge dans les cales des voiliers qui sillonnaient l’Adriatique, la frisella devait d’abord survivre aux longues traversées. Une seconde cuisson chassait l’humidité et la rendait presque impérissable ; les marins la ravivaient d’une éclaboussure d’eau de mer avant de la frotter d’ail. Sa forme historique rappelle un tarallo géant : un anneau de quelques centimètres de diamètre, fendu en deux juste après la première cuisson. Aujourd’hui, les boulangers de Bari proposent des versions miniatures pour l’apéritif. Plus au nord, la frisella se mue parfois en simple biscotte ronde : hérésie pour les puristes.
Autre terrain de bataille : la farine. Les familles de l’arrière-pays soutiennent que seule la semoule de blé dur intégrale, riche en caroténoïdes, confère la teinte miel et la mâche dense de la « vraie » frisella. Les moulins industriels privilégient un mélange moitié-moitié de semoule et de farine type 0, donnant une mie plus pâle et une pâte moins exigeante. Sous ces querelles ne se cache pas la mode, mais un attachement viscéral au terroir pugliese, où le blé dur partage avec l’olivier le rang d’emblème agricole.
Bases de la pâte
Choix des farines et rôle de l’autolyse
Une frisella réussie commence par de la semoule de blé dur : son gluten robuste crée une croûte épaisse qui casse sous la dent et libère des arômes de noisette. Ajouter 50 % de farine type 0 apporte une légèreté bienvenue, surtout pour les anneaux au format apéritif. On verse d’abord l’eau sur la moitié des farines et on laisse reposer le mélange pour l’autolyse. Ce repos hydrate les amidons, détend le réseau glutineux et épargne à la pâte un pétrissage ardu. La levure est ensuite incorporée, puis le reste de farine, tandis que le sel n’est ajouté qu’une fois la pâte devenue élastique afin de ne pas ralentir la fermentation.
Tout en une séance : méthode de préparation
Une fois pétrie jusqu’à obtenir une texture souple et homogène, la pâte repose jusqu’à ce que son volume ait visiblement augmenté. Elle est ensuite divisée, chaque portion roulée en cordon puis refermée en anneau ; le trou central doit mesurer environ 2 cm de diamètre pour que la chaleur circule librement.
La première cuisson se fait à 200 °C, juste le temps que les anneaux se raffermissent et blondissent. Tant que la mie est encore souple, chaque anneau est fendu horizontalement et les demi-anneaux sont disposés sur une grille. Un second passage au four, à environ 160 °C, les laisse sécher lentement jusqu’à obtenir une teinte blond miel uniforme et une texture parfaitement sèche, signe que toute humidité a disparu.
Servir, conserver, sublimer : garnitures et conseils finaux
La frisella reprend vie en quelques secondes sous un filet d’eau froide. Après un rapide égouttage, un ruban d’huile d’olive extra-vierge s’infiltre dans ses pores, rendant la surface moelleuse, parfumée et prête à accueillir ses garnitures.
- Classiques intemporels : tomates mûres grossièrement écrasées, origan sauvage froissé entre les doigts et câpres de Salina pour la touche iodée.
- Accords contemporains : une cuillerée de stracciatella relevée de zeste d’orange, ou un tartare de thon rouge rafraîchi de citron vert.
Conservées dans un récipient hermétique, les friselle sèches se gardent plusieurs mois à l’abri de l’humidité. Un bref passage au grille-pain leur rend tout leur croquant d’origine.
Friselle Pugliesi Maison
Ingrédients
Pâte
- 520 g de semoule complète de blé dur ou moitié semoule complète de blé dur et moitié farine type 0
- 360 ml d’eau
- 30 g de levure
- 5 g de sel
Décoration
- graines de sésame pour la décoration, facultatif
Procédé
Préparation de la pâte
- Mélangez la moitié de la semoule avec l’eau dans le bol d’un robot muni d’un crochet à pâte et laissez reposer 30 minutes pour l’autolyse.520 g de semoule complète de blé dur, 360 ml d’eau
- Mélangez la levure avec le reste de farine puis incorporez-la à la pâte.30 g de levure
- Pétrissez jusqu’à obtenir une pâte homogène et élastique.
- Lorsque la pâte est lisse, ajoutez le sel et terminez le pétrissage.5 g de sel
- Couvrez le bol et laissez lever environ 1 heure, jusqu’à ce que la pâte double de volume.
Façonnage des friselle
- Divisez la pâte en parts égales, allongez-la et façonnez-la en anneaux.
- Déposez les anneaux sur une plaque recouverte de papier cuisson, saupoudrez de graines de sésame et laissez lever à nouveau 30 minutes.graines de sésame
Première cuisson
- Préchauffez le four à 200 °C et faites cuire les friselle 10 minutes, juste assez pour les stabiliser.
- Sortez les friselle du four et coupez-les en deux dans l’épaisseur tant qu’elles sont encore chaudes.
Seconde cuisson
- Baissez la température du four à 160 °C, disposez les moitiés de friselle sur une grille et poursuivez la cuisson 30 à 40 minutes jusqu’à ce qu’elles soient dorées et croustillantes.
Garniture des friselle
- Humidifiez légèrement les friselle avec un peu d’eau froide, ajoutez un filet d’huile d’olive extra vierge, garnissez selon vos envies et servez aussitôt.
Notes
- Conservez les friselle dans une boîte hermétique jusqu’à un mois.
- Humidifiez-les toujours avant de les garnir afin d’obtenir la texture idéale : croustillante à l’extérieur et légèrement tendre à l’intérieur.
- Variez les garnitures : tomates, mozzarella, olives, thon ou même des préparations sucrées comme du miel et des fruits.